Publié le 17 Novembre 2016
Pour Rebecca (qui me l'a réclamé) et Écureuil Bleu (qui aime bien les explications)... (mais comme je n'avais pas prévu de faire d'article toutes les photos sont celles du web)
Quand le week-end dernier à Lyon Jules m'a proposé de visiter le musée Lumière, je me suis dit : "Ouais, bof". Il faut dire que Jules et moi on a des goûts très différents en matière de musée (en matière de beaucoup d'autres choses aussi d'ailleurs). Il serait plutôt musée de l'Automobile, du Chemin de Fer ou de la Seconde Guerre Mondiale et moi plutôt musée du Tissu, du Bonbon ou de la Dentelle. Vous voyez ?
Mais les enfants étaient partants alors je me suis dit que, bon, tant qu'à être tous ensemble à Lyon, mieux valait faire des activités tous ensemble, non ?
J'étais alors bien loin de me douter que j'allais BEAUCOUP apprécier cette visite, comme quoi, les a priori, c'est naze.
L'institut Lumière est installé rue du Premier-Film à Lyon (8ème) sur l'ancien site des usines Lumière, là-même où le cinématographe a été inventé en 1895. On y trouve un musée, une cinémathèque, un centre de documentation, un lieu de conservation et un lieu de mémoire. Il rend hommage à la famille Lumière et y présente ses plus belles trouvailles dans le décor élégant de la demeure familiale, la Villa Lumière, que les habitants du quartier appelaient aussi le Château Lumière tant la demeure est imposante. Antoine (père d'Auguste et Louis) l'avait fait édifier en 1902. C'est l'une des plus majestueuses résidences privées (plus de 2 000 m2). De style art nouveau, elle fut réalisée à partir de matériaux nobles et, comble du modernisme de l'époque, était équipée du téléphone, d'un ascenseur intérieur, de salles de bain ou de cabinets de toilette dans chaque chambre et était l'une des premières à Lyon à posséder le chauffage central.
Nous avons essentiellement visité les jardins et la Villa, qui abrite le musée sur 3 niveaux :
Au rez-de-chaussée, on découvre tout d'abord le Jardin d'Hiver (de Madame Lumière), magnifique pièce décorée de marbre, de verre, de carreaux de céramique et équipée de chauffage au sol (!). Dans cette pièce se trouve également une impressionnante maquette de la Villa reproduite au 1/20ème.
Dans les pièces suivantes est retracée toute la chronologie de l'histoire du cinématographe, inventé en 1895, grâce auquel Louis Lumière parvient à enregistrer le mouvement et surtout à projeter des images animées sur un écran. On y retrouve la longue histoire des images animées, depuis les lanternes magiques jusqu’au prototype mis au point par Louis pour ses premiers essais de films sur papier en 1894, une collection d'appareils anciens, des chefs-d'oeuvre techniques incontournables tels le kinétoscope d’Edison, le chronophotographe Demenÿ ou le cinématographe Lumière "n°1" qui projeta les 10 premiers films le 28 décembre 1895 au Grand Café à Paris devant les 33 spectateurs de la première séance publique payante.
On apprend ensuite que, à l'issue de cette séance, des « opérateurs Lumière » partirent tout autour du monde pour filmer d’autres pays, d’autres vies. Les films projetés sur les écrans du musée racontent leur curiosité, leur sens du cadrage et de l’esthétique.
On découvre également que les Lumière étaient d’inventifs et curieux ingénieurs qui mirent aussi au point des appareils aussi étranges que le Photorama (pour une image à 360°) ou le projecteur en relief (pour des films en 3D, bien avant Avatar). Ils déposèrent plus de 200 brevets dans des domaines très divers. Ces nombreuses inventions ont valu à Auguste d'être correspondant à l'Académie de médecine et à Louis d'être reçu à l'Académie des Sciences. Avec le succès des « plaques sèches » (procédé de photo instantanée) baptisées "Étiquette bleue", ils furent des industriels prospères et riches ! Mais ils furent aussi des artistes grâce à l'autre grande invention des Lumière, les plaques autochromes, ancêtres de la diapositive. L’exposition montre ce qu’il fallut d’ingéniosité à Louis pour créer cette plaque et permet d’admirer l’usage que les Lumière en firent en tant que photographes, avec les images que l’on regarde en transparence et qui rappellent les tableaux impressionnistes. Les photographies que réalisèrent les épouses et les membres du « clan » Lumière apportent également un magnifique témoignage sur la vie quotidienne d’une famille bourgeoise au tournant des 19ème et 20ème siècles.
Au-delà de l'image, les deux frères ont également touché à des domaines aussi variés que le son, la mécanique ou la recherche médicale. L’exposition permet ainsi de découvrir l’étonnante « main-pince » articulée que Louis mit au point pour soulager les amputés de la première guerre mondiale et le célèbre "tulle gras" qu’Auguste élabora durant ce conflit pour favoriser la cicatrisation et qui fut vendu dans les pharmacies jusqu'en 2007.
Au 1er étage, on retrouve toute l'histoire des Lumière, véritable clan, car derrière Antoine (le père), Auguste et Louis (les fils), il y a toute une famille. Les origines de la famille sont modestes. Antoine, fils d'un vigneron et d'une sage-femme, épouse une blanchisseuse, Jeanne-Joséphine. Ensemble, ils auront 6 enfants, 3 garçons et 3 filles : Auguste, Louis, mais aussi Juliette, Jeanne, France et Édouard. Dans le musée, une immense fresque murale permet de découvrir la grande histoire de la famille et de la société Lumière, agrémentée d'un arbre généalogique et de photos des autres "villas Lumière" à La Ciotat (palais de 40 pièces), à Évian (aujourd'hui l'hôtel de ville) et au Cap d'Ail à côté de Monaco où Antoine a fait bâtir 3 villas monumentales qui dominent la mer.
On voit aussi la chambre à coucher d'Antoine Lumière, présentée dans sa configuration d'époque et une exposition retrace le monde de Gabriel Veyre, un des plus grands "opérateurs Lumière" qui, un cinématographe à l'épaule, partit découvrir le monde et filma le Mexique, le Japon, l'Indochine, le Canada, le Maroc. Il s'agit là de documents historiques exceptionnels qui nous font partager comme si nous étions un quotidien vieux de près de 130 ans. J'ai tout particulièrement aimé ses autoportraits.
Enfin, au sous-sol se trouve une salle de cinéma où sont projetés en boucle un documentaire et une centaine des premières "vues" Lumière. Ces films (extraits des 1 408 vues d'archive) sont épatants. On pourrait croire qu'ils sont peu inventifs car ils ont tous la particularité de ne pas durer plus de 50 secondes, d'être bien sûr en noir et blanc, d'être tournés en cadre fixe et en une seule prise (sauf quelques travellings, ou "panoramas" comme on disait à l'époque) mais au final ils présentent l'intérêt de tous raconter une histoire, une tranche de vie, une scène cocasse et apportent autant de témoignages sur le tournant du siècle et l'idéologie du moment. On reste stupéfait devant le potentiel créateur des Lumière et de leurs opérateurs-techniciens qui essaimèrent la planète en quête d'images dès 1896. Et surtout, comment ne pas être saisi d'émerveillement face à La Sortie des Usines Lumière, le premier film du cinématographe ? Les plus célèbres : le premier, la Sortie de l'usine Lumière à Lyon ; l'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat ; l'Arroseur arrosé (voir ci-dessous).
La projection de L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat a provoqué la panique dans la salle, les spectateurs croyant que le train allait sortir de l'écran et les écrabouiller.
Et voilà la première comédie cinématographique :
Mais mon coup de coeur a été pour les films mettant en scène les enfants... Je vous laisse regarder ces attendrissants moments issus d'un autre siècle.
Mon intérêt pour la visite de cet institut est allé crescendo. Si j'ai moins apprécié le côté technique et les détails des inventions et des brevets (par manque de connaissance sans doute), j'ai adoré suivre la saga et l'histoire de la famille Lumière. Le documentaire final et la projection des films est la partie de la visite que j'ai préférée. Ces comédies, ces scènes de vie quotidienne, ces vues de villes et de paysages lointains où apparaissent à l'occasion des membres de la famille Lumière sont autant de facettes qui forment un voyage dans le temps très agréable à passer en compagnie des Lumière.